Translating Prévert: J’ai toujours été intact de Dieu

J’ai toujours été intact de Dieuº

Par Jacque Prévert

  J’ai toujours été intact de Dieu et c’est en pure perte que ses émissaires, ses commissaires, ses prêtres, ses directeurs de conscience, ses ingénieurs des âmes, ses maîtres à  penser se sont évertués à me sauver.

  Même tout petit, j’étais déjà assez grand pour me sauver moi-même dès que je les voyais arriver.

Je savais où m’enfuir : les rues, et quand parfois ils parvenaient à me rejoindre, je n’avais même pas besoin de secouer la tête, il me suffisait de les regarder pour dire non.

  Parfois, pourtant, je leur répondais : « C’est pas vrai ! »

     Et je m’en allais, là où ça me plaisait, là où il faisait beau même quand il pleuvait, et quand de temps à autre revenaient avec leurs trousseaux de mots clés, leurs cadenas d’idées, les explicateurs de l’inexplicable, les réfutateurs de l’irréfutable, les négateurs de l’indéniable, je souriais et répétais : « C’est pas vrai ! »  et « C’est vrai que c’est pas vrai ! »

Et comme ils me foutaient zéro pour leurs menteries millénaires, je donnais en mille mes vérités premières.*

I have always been untouched by God  

(Tr. Jane A. Odartey)
I have always been untouched by God and it is a complete waste that his emissaries, commissioners, priests, spiritual advisors, soul engineers, intellectuals have tried to rescue me.

Even at a young age, I was matured enough to run as soon as I saw them coming.

I knew where to escape: the streets, and sometimes when they succeeded in catching up with me, I didn’t even have to shake my head, it sufficed to look at them without a word.

At times, though, I responded: “It’s not true!”

And I went where I pleased, where it was nice even when it rained. And when they returned, occasionally, with their useless keywords, locked ideas, explanations of the unexplainable, refutation of the irrefutable, denial of the undeniable, I smiled and repeated: “It isn’t true!” and “It is true that it isn’t true!”

And since they would not budge at all from their thousand-year falsehood, I give them, in a thousand, my essential truths.*


*I don’t think I’m translating the last line correctly. If you’re able to help, I’ll really appreciate it.

º (Jacques Prévert. Choses et autresÉditions Gallimard, 1972, p. 64)

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